De Cajon Pass à Wrigthwood
Après mon marathon de la veille (voir un marathon pour un MacDo), nous repartons : seulement quarante kilomètres nous séparent de Wrightwood, prochaine étape de notre périple. Nous commençons la journée sans trop nous presser : nous prenons le petit déjeuner assis à même le sol, le restaurant n'étant plus équipé de tables. La tradition voudrait qu'en quittant Cajon Pass nous fassions le "Mac Donald challenge", qui consiste à manger uniquement du McDonald's pendant une journée complète. Nous avons discuté de la meilleure stratégie pendant plusieurs jours : il y a ceux qui emportent uniquement des nuggets, d'autres se font préparer des burgers sans les sauces... Nous finissons cependant par y renoncer car le restaurant ne sert que des petits déjeuners à l’heure de notre départ. 24H de Mac Muffins : Non merci.
Pour arriver à Wrightwood nous devons toutefois à grimper aujourd’hui un dénivelé fou, presque 2000 mètres . Après la longue journée de la veille, je pensais me sentir plus fatigué, mais en fait tout va bien ce matin. Nous voilà repartis à travers la grisaille. Nous parlons de nos livres préférés avec Kiki. Nous nous chargeons en eau dans une cache à 5 km du McDonald's. Plus d'eau pendant trente kilomètres. Heureusement, par ce temps froid, nous en utiliserons peut-être un peu moins.
Nous montons tout ce que j'ai descendu la veille, et encore un peu plus. Avoir mangé du McDonald's trois fois de suite était peut-être une mauvaise idée, mon estomac me pèse.
Le paysage devient de plus en plus montagneux. Régulièrement, nous entendons les camions pousser leurs longs klaxons. Enfin, après un tournant, l’autoroute n'est plus visible, et le bruit s'atténue. La nature à nouveau.Les pins sont différents ici, avec un aspect un peu miteux, et leurs aiguilles et fruits pendent en dessous des branches. Je suis étonné de voir que la végétation a déjà tellement changé depuis le début de mon voyage.
Autour de nous, certains pics sont à nouveaux enneigés. Nous sommes au-dessus de deux mille mètres, partis tard, et le temps passe sans que nous en ayons pleinement conscience. Faire trente kilomètres en une journée n'est plus un problème, mais en avril le soleil se couche tôt, et dans l'après-midi la fatigue se fait sentir. La montée se poursuit. Interminable. La dernière partie est la plus technique aussi, le chemin étroit, tracé sur un sol sableux, la pente aiguë, exclut le moindre faux pas et demande de la concentration. Je suis maintenant vraiment fatigué. En 2 jours, j'aurai presque quatre-vingts kilomètres.
Je chemine désormais seul avec Cucumber, en haut de la montagne, alors que le jour est bien avancé. Je suis épuisé. Je baille sans arrêt.
La température commence à descendre, dans le soleil couchant. Nous arrivons à l'endroit où nous pensions nous arrêter, mais il est très exposé aux vents, et il fait froid. Pour la première fois depuis longtemps, je dois mettre ma veste pour ne pas avoir trop froid en marchant. Nous décidons de continuer pendant deux kilomètres avec Alex. Deux kilomètres, soit une demi-heure en temps normal, avec la fatigue, et encore trois cents mètres à gravir, la hauteur d'une tour Eiffel. Le vent nous refroidit.
À nos pieds, un petit mémorial. Il y a quelques années, deux randonneurs du PCT sont morts de froid par ici. Je marche maintenant avec cette pensée. Il devient de plus en plus pénible d'avancer. Nous avons froid. Le soleil est couché quand nous arrivons au camp. Le bruit du vent est encore plus fort ici. Il y a déjà de nombreuses tentes mais tout le monde dort déjà. Il est tard et nous avons froid. Nous prospectons avec Alex un bon endroit pour la tente, nous sommes bien protégés, sauf quelques rafales. Le vent est devenu une obsession. J'ai besoin de dormir, de chaleur. Je ne veux pas avoir froid cette nuit, devoir sortir pour remettre les piquets de ma tente. Mes doigts sont rouges et engourdis. Je monte ma tente et je mets tous les vêtements que j'ai avec moi.
Une seule nuit à tenir, avant d'être à nouveau en ville.
Je n'ai plus beaucoup d'eau pour la nuit, mais il doit y avoir une source en dessous du lieu de camp, et je suis trop fatigué pour y aller maintenant. Je me rationne un peu.
Alors que nous sommes en train de nous préparer à manger, les filles arrivent dans la nuit. Nous leur cherchons un emplacement autour de nous. On nous crie d'une tente d'arrêter de faire de la lumière. Il n'est que 20 heures mais la personne dormait déjà, juste à côté de toilettes sèches. Enfin, nous sommes installés. Nous mangeons en silence, chacun dans nos tentes, conscients que l'odeur pourrait attirer les ours, et je dois me forcer pour aller suspendre ma nourriture un peu plus loin. Il fait vraiment froid. Demain, la route pour la ville n'est qu'à six kilomètres.
Tout est fini. Les dents sont brossées. J'ai peur d'avoir froid. Je ferme les yeux et c'est le matin. Pour une fois, j'ai eu une nuit complète, reposante, incroyable. Je suis le premier levé. Je décide d'aller chercher de l'eau pour tout le monde, à la source. Je descends un petit chemin, et je suis récompensé par un lever de soleil magnifique sur la crête. Je plonge mes mains dans une source glaciale, et lentement, je récolte l'eau. Trois litres à partager entre nous quatre, je remonte mais personne n'a vraiment besoin de mon eau. Nous levons le camp. Pas d'urgence ce matin, à part celle d'aller prendre le petit déjeuner en ville.
À la route, nous avons de la chance. Une trail Angel est là pile à ce moment, avec Kelsey ! Kelsey était dans une des tentes que nous avons vues au camp en arrivant la veille, de même que Nick et Melvin. Je les pensais loin devant ! Maria, la trail Angel, nous emmène en ville. Demain la météo annonce une tempete de neige : nous nous réfugions en ville.