Après la tempête

De nouveaux amis

Le matin après une nuit blanche, mouillé, glacé et sans pouvoir me réchauffer au pale soleil, avec le vent qui persiste, je pense aller à la route et faire du stop jusqu’à Julian. Là-bas, je sècherais mon matériel avant de repartir. Je suis seul. Un peu abattu. Fatigué. Je ne dormais déjà pas bien avant mais la nuit dernière a pris la fin de mon énergie. Enfin après avoir hésité à poster une demande de transport je repars. Après 500 mètres, je me rends compte que mon GPS n’est pas à sa place, sur mon sac à dos.

Je commence à le chercher dans mon sac et j’entends “Gaspard !”. C’est Nick qui m’a apostrophé. Avec Alex et un autre Alex, ils ont campé à peine un kilomètre avant moi, encore plus exposé. Ils n’ont pas dormi non plus. Ils vont pourtant continuer jusqu’à Julian. Nous commençons à discuter et je les suis. Naturellement, mon moral s’améliore. L’énergie revient.

Nous continuons dans ce jour froid. A la pause, j’ouvre un paquet de poptart devant les autres : elle s’était complétement émiettée et je suis couvert de miettes. Ils décident de me donner un surnom, un trail name : Crumbs. Nous nous arrêtons pour faire sécher notre matériel. Nous montons dans les collines. Les vallées s’enfoncent profondément à nos pieds, et les perspectives s’éloignent. Je demande à Alex « C’est par où le mordor ».

Nous avons survécu à l’épreuve et une fois la fatigue dépassée, nous commençons à ressentir la fierté. Nous marcherons donc jusqu’à Julian.

Ce soir-là, nous avons notre première magie du trail. Deux anciennes randonneuses du PCT se sont postées avec des provisions de sandwichs et de sodas à coté du trail et distribue gracieusement ces victuailles. Elles me prodiguent un conseil important : tous les jours, faire une photo de son lieu de campement.

Une bande de jeune arrive après que nous avons dressé nos tentes. Ils sont désordonnés, vivants. Ils viennent manger à coté de nous. Une des filles du groupe a un gros orteil en piteux état, rouge, gonflé, purulent. Nous lui administrons des premiers soins. Il ne reste qu’une journée de marche de 30km pour Julian, au moins elle pourra se soigner demain.

Le lendemain le paysage change à nouveau. Loin des hautes montagnes de la veille, les collines sont ensoleillées, sèches. Des lilas en fleurs parfument le chemin. Nous devons faire attention à l’eau, les sources sont rares. Je suis encore avec les 3 mecs de la veille. Nous avons prévu de partager une chambre à Julian. J’imagine que nous sommes désormais un groupe. De nouveau le soleil tape dur, et nous sommes exposés.

Au loin la route dans la vallée, notre objectif du jour. Nous la voyons depuis longtemps mais le PCT nous fait tortiller à flanc de colline pendant des heures. Nous sommes maintenant impatients d’arriver. En descendant, nous nous retrouvons enfin dans un désert, un vrai, avec des cactus et des branchages morts, un décor de western.

Enfin nous sommes à la route. Nous nous postons au bord de la route. Pour la première fois de ma vie je vais faire du stop. Nous levons notre pouce, et presque aussitôt, une voiture passe et s’arrête. Nous montons dans l’énorme pick up. Un homme entre deux âges nous emmène pour les 20km de montées jusqu’à la ville. Il prend souvent des marcheurs du PCT en stop. Il a toujours vécu à Julian et il nous laisse à la brasserie.

Nous avons fini la première étape du PCT. Nous avons survécu à la chaleur et à la tempête. Nous n’en sommes qu’au début, et pourtant je sens déjà en moi une force que je ne connaissais pas.  

En pratique :

Environ 58km de Mont Laguna jusqu’à la route qui vous emmène jusqu’à Julian, soit environ 2 jours de marche à mon rythme. Le chemin ne présente pas de grande difficulté mais l’eau est assez rare, des caches sont aménagés mais il faut vérifier à l’avance qu’elles sont toujours remplies.

Julian mérite un article particulier, mais sachez que vous y trouverez largement de quoi vous ravitailler. Les logements peuvent vite se remplir en haute saison, une réservation est donc une bonne idée.