Breakfast à Eagle Rock
En partant de Montezuma Market, nous traversons d’immenses plaines où paissent des bovins. Demain, nous serons déjà à Eagle Rock.
Au reveil, le temps est gris et frais. Une montée et déjà se dresse devant moi la formation rocheuse. Je mange mes flocons d’avoines, avec à nouveau la sensation que ça y’est, je suis un vrai marcheur du PCT. Puis je repars dans la matinée grise. A perte de vue, des bruyères. Bienvenu en écosse.
Un peu plus loin, je retrouve Nick et Alex. Nous marchons ensemble. La conversation tourne autour des “Clam chowders” et de nos soupes préférées. C’est une de mes première discussion de nourriture sur le PCT. Bientôt la faim et le manque de variété auront tellement subverti nos esprits qu’avec mes amis nous serons obligés de mettre des interdictions sur les sujets de « nourriture des villes » pendant la marche, afin de ne pas trop nous affamer.
Le camp que nous envisageons est loin de toute source d’eau dans la montagne, donc dans cinq kilomètres nous devrons nous charger de suffisamment de réserves pour la nuit avant d’entamer l’ascension du massif montagneux.
Nous pénétrons dans une forêt. Pour la première fois, nous sommes dans un environnement qui ressemble à l’Europe. Enfin à une Europe préhistorique. Au milieu des arbres et des fougères, des yuccas, des agaves et des cactus s’élèvent. Je me souviens que l’an passé quand nous marchions sur le chemin de Compostelle, je m’étais demandé si les grands dinosaures de type Diplodocus pouvaient escalader des montagnes. Je n’ai toujours pas la réponse.
Quand nous arrivons sur le possible camp, nous sommes désagréablement surpris : Il y’a déjà des occupants, la zone est exposée aux vents, et après notre nuit d’il y’a quelques jours (voir la tempête), nous ne souhaitons pas renouveler l’expérience immédiatement.
Nous décidons alors de poursuivre un peu, même si maintenant nos jambes sont vraiment lourdes. En montant, la vue se dégage, à des dizaines de kilomètres. C’est ce qui manque dans les photos ; une idée de l’immensité des perspectives, et souvent sans la moindre trace de vie humaine, à part le fin liseré du trail qui apparait de temps à autre.
Alors que nous repartons, Idaho dit cette phrase qui nous attire le mauvais œil : “de toute façon ça ne peut pas être beaucoup plus haut. “ Et ça l’est. Nous continuons à grimper un bon moment. Les emplacements suivants sont soit déjà occupés par des marcheurs, soit trop petits pour plusieurs tentes. Nous nous retrouvons obligé de pousser bien plus loin que prévu. Le soir est déjà là quand nous trouvons deux emplacements, un peu justes pour mettre 4 tentes, mais suffisamment large pour que nous puissions tous camper pas trop loin les uns des autres à la belle étoile.
Nous préparons notre diner. J’ai prévu trop de sucré et pas assez de salé pour mes en-cas, je n’ai déjà plus de chips. Peut-être est-ce la transpiration, mais mon corps réclame du sel et de la viande. Mes gouts ont déjà commencé à changer. Les flocons d’avoine, que j’ai mangé pendant des années passent de plus en plus difficilement, matin après matin. Je dois grignoter toutes les deux ou trois heures. Malheureusement je n'arrive pas à manger assez pendant mes vrais repas, il faudrait que j’arrive à faire 1000 calories par repas au moins, mais les plats lyophilisés en contiennent une moyenne de 600, et une fois un avalé, je suis repu.
Nous sommes étendus tous les quatre, prêts à dormir, quand le ciel, bleu toute l’après-midi, vire au gris clair puis au gris foncé. Nous restons étendus, personne n’osant prendre la responsabilité de céder en premier mais étant le seul qui a déjà dormi à la belle étoile, et m’étant réveillé trempé et glacé, je flanche le premier, en disant que ce temps ne me dit rien qui vaille, que je vais monter ma tente à coté et que si le temps dégénère, nous aurons au moins un abri de repli prêt à proximité. Mais une fois ma tente montée, je me dis que je serais stupide de ne pas dormir dedans et je vais avertir les autres : ils sont déjà en train de monter leur propre tente. L’air est devenu très humide, et la température chute.
Le lendemain, au réveil, les autres sont déjà prêts à partir. J’ai envie de prendre mon temps. Je mange mon petit déjeuner tranquillement. Une fois parti, je me rends compte que mon ambition de les rattraper va être mis au défi par le paysage. Le soleil rase les buissons et les roches, accentuant leurs reliefs, donnant un aspect doux aux collines. Je m’arrête tous les dix mètres pour filmer et prendre des photos. Je suis lent mais pleinement, totalement heureux. Je n’ai aucune envie d’accélérer.
Apres avoir pris de l’eau à Mike’s place, je met les bouchées doubles. Heureusement pour moi le paysage est plus anecdotique, la lumière moins belle, je trace. Je rejoins les autres en début d’après midi. Nous sortons de la piste pour aller chercher de l’eau et nous rencontrons deux canadiennes, Kim et Roxy, qui sont avec Kiki. L’accès à l’eau est périlleux, au fond d’une petite vallée. La végétation est luxuriante, et tranche avec les collines asséchées.
Tout à coup, devant moi, Cucumber se stoppe. Il nous fait signe de nous arrêter à son niveau et il me dit de passer devant lui : devant nous un serpent à sonnette nous signale de ne pas nous approcher. Tranquillement, en faisant sonner sa crécelle pour nous rappeler de lui laisser le temps, il s’éloigne.
Le camp est sur une étendue en haut d’une montée, complètement balayée par le vent. Les bourrasques soulèvent des montagnes de poussière.
Alors que le soleil se couche, Roxy et Kim passent à coté de nous. Elles ont l’air épuisée et déçu de nous voir déjà installés là où elles voulaient visiblement s’arrêter. Elles repartent quand même courageusement pour aller chercher un emplacement de bivouac.
Le lendemain, nous arriverons à Idyllwild. Nous sommes à environs 10 miles (16km) et Nick veut essayer de faire un défi de 10 miles avant 10heures du matin. Evidemment j’ai mon insomnie, je me re-réveille ensuite trop tard pour pouvoir décoller à 6h du matin.
Nous sommes à moins d’une demi-journée de la ville et mon obsession pour la nourriture grandit. Je veux un Milkshake, je veux un burger et je veux un jus d’orange fraichement pressé. Les derniers dix kilomètres avant la ville sont durs mentalement. Je suis tellement impatient. Mon corps est fatigué mais surtout je suis affamé.
Quand j’arrive au Paradise vallee Cafe, j’ai la bonne surprise de retrouver, attablés, Kiki, Melvin, Janick et Kelsey ainsi que Nick et Alex qui viennent d’arriver. Nous prenons le temps de nous gaver de nourriture ; le jus d’orange est décevant mais la nourriture grasse me monte à la tête. A l’intérieur du café, nous avons tous reçu des paquets, qui attendent en une pyramide non surveillée, pleine de l’équipement de sécurité pour la neige.
En effet, nous allons nous attaquer à notre premier sommet, le mont San Jacinto. Mais d’abord, 48h de repos en ville.
Les 4 autres ont déjà réussi à trouver un chauffeur, mais les gars et moi allons devoir faire du stop. Nous sommes cette fois vraiment sales, et la ville et loin. Nous attendons une bonne vingtaine de minutes en plein soleil avant qu’une voiture ne s’arrête, un propriétaire de Ranch qui est installé à mi chemin et qui nous amène jusque-là.
Ensuite nous devons nous trouvons deux voitures pour finir le trajet. Je vais avec Alex dans la voiture conduite par un homme, un peu marginal, mais qui transporte surtout son frère dont il nous prévient qu’il est un peu simple et qu’il pense être un chef religieux, dans une religion alimentée par du cannabis. La voiture est pleine de bouteille vide et de bazar, une plongée dans des souris et des hommes. Nos conducteurs nous ont pris gentiment. Ils nous déposent devant le magasin principal, et nous rejoignons à pieds le motel, à environ un kilomètre du centre ville.
Enfin je pose mon sac à dos. Il est temps de se reposer.
En pratique : Environ 80 km entre Montezuma Road et Paradise Valley Cafe, des passages où l’eau est rare entre la rivière Agua Caliente et Mike’s place, puis entre la citerne de béton et Paradise Valley cafe, 20km (mais une citerne d’eau et un petit endroit de piquenique entre les deux), qui sont la seule difficulté à prendre en compte.
Un peu de dénivelé mais confortable, et il est temps de vous aguerrir.
Paradise Valley Cafe accepte les colis, et beaucoup de monde s’envoie ses affaires là, mais attention, les colis ne sont pas vraiment surveillés, on ne vous demande pas de preuve d’identité pour les récupérer. Je n’ai toutefois pas entendu parler de vols, le code d’honneur des marcheurs devraient l’empêcher.
Nous avons choisi d’aller directement à Idyllwild, pour éviter un parcours supplémentaire en montée et en descente autour du San Jacinto, mais cela vous impose ensuite de porter de la nourriture pour environ 4 jours jusqu’à l’autoroute Interstate 10, ou vous pouvez rejoindre Palm Springs ou Banning, en comptant les environs 100km de fort dénivelé, neige, et l’aller-retour jusqu’au sommet du San Jacinto. Vous pouvez aussi choisir de sauter la ville en vous envoyant tout ce dont vous avez besoin au Paradise valley cafe.
Concernant le trajet jusqu’à Idyllwild, les Trails Angels n’étaient pas disponibles quand nous y sommes allés, beaucoup d’ancien ont déménagés etc. La route est assez passante, faire du stop ne sera pas trop difficile.