Pendant toute la randonnée, j’ai donc dû interpréter les indications des mes amis, avec parfois il faut bien l’avouer un peu de mauvaise volonté.

A ce stade nous avons déterminé que j’étais sujet à une sorte de malédiction, car pour tous mes amis, les nuits à la belle étoile, en bivouac de cowboy comme on dit aux états unis, étaient relativement tranquilles sauf quand je me joignais à eux et ils m’ont gentiment demandé de ne plus leur porter la poisse.

J’étais même encore assez fort pour faire arrêter des voitures, car plus vous serez jeune, mignon et avenant, plus vos chances d’arrêter une voiture seront grande. Un jour j’ai comme cela parcouru plus de deux cents kilomètres en stop pour un rendez-vous avec un médecin. Mais ceci est une autre histoire…

Reparti sur le trail, j’ai marché 40km en moyenne dès le premier jour. J’ai fait plus de 200km en 5 jours mais je ne pense pas que cela soit suffisant pour rattraper mon amie, alors que je quitte les Sisters, elle m’a écrit hier et me précédera d’un jour.

L’humilité était arrivée en d’innombrables petits signes : Il y’a la première fois où, arrivant en ville, vous allez manger au restaurant avant de penser à vous laver. La première fois où vous vous baladez en centre-ville, nu sous le plastique imperméable de votre anorak et pantalon de pluie car tous vos vêtements sont à la laverie automatique. La première fois où vous mangez un pot de glace d’un litre, en une fois, assis par terre sur le parking du supermarché, car votre chambre de motel n’est pas encore prête, que vous vous installez confortablement autour de toilettes publiques pour recharger votre téléphone. Tous ces aspects deviennent tellement vite votre normalité que vous n’y trouvez plus aucun déshonneur.

Il est assez comique de voir la réaction de dégout que je suscite quand je dis que je ne me lavais que tous les cinq à sept jours en moyenne sur le PCT. Nous sommes tellement conditionnés à nous laver tous les jours que nous ne pouvons pas remettre en question l’idée que notre corps n’est pas forcément prévu pour cela.

Quand je revenais en stop d’une ville, je traversais la route pour que mes pas tracent une ligne continue entre le Canada et le Mexique. Dans la montagne, partie la plus dure du chemin, j’ai marché six kilomètres en sens inverse parce que je m’étais trompé entre deux voies parallèles. J’avais pourtant marché la même distance, sur un chemin parallèle au PCT, pas moins difficile, je n’avais pas triché mais je voulais avoir vu chaque centimètre carré. J’étais, par beaucoup d’aspect un puriste. C’est-à-dire un con.

Cette nuit, dans mon rêve, je me préparais des pommes de terre instantanées "Idaho baby red", un repas que j'ai mangé presque tous les jours pendant 5 mois. Dans mon rêve, je me suis dit qu'il fallait célébrer cet anniversaire.

Je pense encore au chemin tout le temps. J'ai toujours l'impression d'avoir été chassé du paradis.

Vous connaitrez l’étendue de votre bravoure quand vous devrez sortir de votre duvet au milieu de la nuit, alors que les températures sont encore négatives, pour remettre des chaussettes mouillées et traverser une rivière glacée avant le lever du soleil.

“Nous avons beaucoup discuté. En matière de fromage de chèvre, elle était tombée sur un expert. Parler de chez moi me faisait aussi du bien.

À ce moment-là, j'avais perdu mon groupe depuis deux ou trois semaines, et je venais d'apprendre que Kiki était déjà parti de la ville où je pensais la retrouver. Je souffrais toutes les nuits de ma blessure à l'épaule. les jours étaient longs, permettant de marcher plus longtemps, mais fatiguant.”

“ le matin du quatrième jour, la chance a voulu que je sois trouvé sur le bord du chemin par trois mecs en or. J’étais transi, fatigué, prêt à retourner en ville par la première route possible mais je leur ai emboité le pas sans trop savoir pourquoi, et grâce à eux, ce matin de tourmente est devenu une victoire. “

“On ne revient pas à l’état sauvage, on ne chasse pas d’écureuils pour se nourrir. On n’en a pas le temps. On ne fuit pas la civilisation car on attend avec une certaine excitation la prochaine pizza. “

“A mon réveil, je prends mon petit déjeuner sans stresser. Je suis seul, je n’ai personne à rattraper où à suivre. A nouveau maitre de mon emploi du temps et libre. Je sors de ma tente, et là je vois, tout autour des traces d’animaux, en demi-cercle autour de ma tente. “

“Ce qui caractérise la portion du désert, c’est la rareté de l’eau. Le plus long passage sans eau que nous ayons eu pour l’instant est 40km soit, en montagne, presque deux jours de marche. Alors on s’organise et on doit porter bien souvent jusqu’à 5 ou 6 L d’eau afin de pouvoir bivouaquer, cuisiner et boire jusqu’au prochain point d’eau (la toilette étant alors réduite au strict minimum)”

En flânant dans l’exposition, alors que je relisais des passages de l’œuvre, j’ai été étonné de voir avec quelle précisions certaines phrases s’étaient entrelacées dans mon esprit à des paysages, des moments bien précis. Peut-on rêver expérience plus proustienne ?